SINIK : Bonne question, d'entrée.
ZOXEA : Je pense que la première rencontre a été surtout musicale, dans le sens où Sinik me connaissait musicalement par rapport à ce que j'ai fait avec mon groupe ou en solo. Et moi, j'ai connu Sinik par rapport au bruit qu'il a fait dans l'underground. C'est la première rencontre, on va dire indirecte et puis après, la rencontre directement ça c'est fait sur l'album en fait.
SINIK : Ouais, c'est ça.
ZOXEA : J'avais entendu parler de lui mainte et mainte fois et j'aimais bien comment il rappait, je lui ai demandé s'il pouvait venir poser sur mon album.

SINIK ET ZOXEA : Voilà, oui, c'est une collaboration d'estime.

ZOXEA : Ben moi j'apprécie beaucoup Sinik humainement déjà. C'est important, parce que des mcee qui déchirent dans les micros ben c'est vrai qu'il n'y en a pas tant que ça mais il y en a quand même partout, un ou deux, que ce soit Paris, Grenoble... Tu vois, des mecs qui sont là et qui assurent. Après, c'est vrai que si le feeling passe pas... Moi j'suis un mec qui reste dans mon coin, j'suis pas trop le mec qui va faire les premiers pas, c'est du à la timidité ou je sais pas. Donc c'est vrai que s'il n'y a pas un plus que le côté artistique, bon ben je passe. Sinik c'est un mec qui est humble malgré son talent, c'est ça qui me plait chez lui.

SINIK : Dans les morceaux ? Ouais, dans les morceaux... (rires)

SINIK : Ma vision t'as vu, elle est simple. J'ai toujours pris ça, j'vais pas dire comme un amusement mais plus comme une passion que comme un métier, tu vois ce que je veux dire ? A aucun moment je me suis dit que c'est un métier, j'ai toujours pris ça un peu à la rigolade, vraiment le côté tu kiffes la musique tu fais ça par passion. Donc ma vision du rap elle est simple, c'est ça, c'est d'essayer d'être performant, de toujours progresser, comme il (Zoxea) dit : de rester humble, d'avancer, des trucs simples. J'ai une vision du rap qui est hyper simple. Après, moi, j'écoute de tout, que ça vienne de Paris, de Grenoble ou d'ailleurs, tu vois ce que je veux dire, j'écoute de tout, j'aime le rap avant tout.

SINIK : Ouais, j'aime le rap. J'm'en fous un peu de la tendance tu vois. J'aime le rap c'est tout, tous les styles de rap, le cainri, le français, tout ce qui touche au rap. Quand j'étais petit je faisais du graff, un peu de danse, j'ai toujours évolué là dedans . Je suis resté dans cette optique, c'est pas un métier, c'est une passion.
ZOXEA : C'est important ce qu'il dit, c'est la passion, c'est grave important. Nous avec les Sages c'est toujours ce qui nous a le plus motivé. C'est vrai que ça a un côté positif, c'est clair mais un côté aussi, peut-être, un peu moins parce qu'on soit trop passionnés, il y a peut-être des côtés bizness qu'on va laisser de coté tu vois ? Il faut dealer avec ça. Et aujourd'hui malheureusement, c'est triste à dire mais c'est devenu presque 80% de bizness et 20% de musique. Quand tu as ces 20% là qui reste la passion, ben faut la vivre au maximum et ça fait plaisir quand tu as des mecs comme Sinik qui arrivent dans le game, même s'ils sont pas nombreux, ça fait quand même des nouveaux qui te parlent de passion. C'est mieux que les jeunes qui disent "ouais on va faire du rap parce qu'on va faire du biz nanani nanana ...", c'est trop illusoire tu vois. La passion, c'est ce qui va te pousser et t'amener jusque là où on se trouve aujourd'hui. On est là à Grenoble, on est en tournée, on est content. C'est cette passion qui nous anime et qui fait qu'on est content chaque fois qu'on prend le micro ou qu'on va entrer en studio, qu'on a une prod qui déchire ou quand on va faire un featuring. C'est grâce à ça, la passion. C'est important.

SINIK : Ah ouais ! Quand on a commencé le truc c'était juste de passer à la radio. A l'époque c'était Radio Nova, tu passais là tu faisais le top pendant toute la semaine tu vois. Le challenge après c'était de sortir un morceau. A l'époque on voulait juste sortir un maxi, tu vois. Maintenant c'est obligé le bizness. Je vais pas te dire "ouais, non, c'est naze" parce que le bizness c'est obligé, parce qu'il faut que l'artiste puisse protéger ses intérêts. Et comme on dit tout travail mérite salaire. Seulement c'est dommage des fois que le bizness prenne le dessus sur le côté tu vois, et ça tu peux rien y faire, c'est le monde qui est comme ça : dirigé par l'argent. Le bizness faut s'y faire, tout simplement.

ZOXEA : Ouais, grave.

ZOXEA : Surtout qu'il y en a pour tout le monde ! Et ils veulent s'arracher le bizness tu vois.

SINIK : Ben moi pour ma part ça fait pas des années que je suis dedans tu vois, donc tu peux pas parler d'évolution étant donné que je fais partie grosso modo des nouveaux tu vois. Faut demander à Zoxea.
ZOXEA : Ah franchement moi j'vois grave une évolution. Quand je vois que les mecs comme Sinik, ils arrivent, ils ont compri qu'il fallait arriver avec une tape, il y a un circuit tu vois :il faut arriver avec un buz, il faut faire des scènes, il faut poser à gauche à droite. Il y a une grande évolution. Les mecs qui arrivent, même s'ils sont nouveaux, implicitement ils ont capté un truc, ils ont capté la vibe du moment, comment il fallait s'adapter. C'est une grosse évolution, ça veut dire que ça c'est professionnalisé. Nous on a peut-être mis 10 ans pour au moins capter le truc professionnel à mort et tout. Des mecs comme Sinik, en 2,3 ans ils ont capté.

ZOXEA : Non, c'est pas qu'on soit là à leur expliquer. Ouais, c'est vrai, les erreurs qu'on a pu faire ça a servi. Maintenant les jeunes sont avertis, tu vois ce que je veux dire ? Ils savent que t'arrives plus, tu sors plus un album comme ci comme ça, tu deales 15 kilos de paramètres : t'as la radio. Si tu peux pas avoir une certaine radio, il faut que tu ailles dans un autre délire, il faut que la rue soit avec toi, pour qu'elle suscite un engouement. C'est tous ces petits paramètres qui font qu'on peut dire qu'aujourd'hui le rap c'est professionnalisé.

SINIK : Moi pour être franc avec toi t'sais, j'évite de me projeter dans l'avenir tu vois. L'évolution tu sais, je me dis que si elle doit se faire elle se fera naturellement. En fait je veux pas précipiter les choses, me dire je serai là dans 2 ans, j'aurais fait ci ou ça. Moi j'espère que ça va durer, j'espère faire encore d'autres albums que celui qui va sortir, avoir d'autres concerts, rapper tout simplement. Tu vois moi c'est juste ce qui m'intéresse. Après, l'évolution... J'te dis, elle se fera naturellement. C'est pas dit que dans 10 ans je rap encore, je sais pas, on peut pas savoir. J'espères en tout cas que ce sera dans la musique.

ZOXEA : Ah là tu parles d'une évolution musicale, artistique
SINIK : Ah ouais, c'est pas pareil
ZOXEA : Non moi je suis quelqu'un d'assez éclectique. Tout au long de ma carrière j'ai pu faire des morceaux hardcore, des morceaux délires, des morceaux freestyle, ça fait partie de ma personnalité. Comme je te l'ai dit, j'suis timide. Y a des moments tu vas voir j'suis timide, à des moments tu vas pas me reconnaitre, ça c'est différentes facettes de mapersonnalité qui font que... Ouais pourquoi pas... tu vois, sur cet album, j'ai amorcé : y a plus de refrains chantés mais c'est un truc que je faisais déjà à l'époque. Avant on entendait 50 Cents ou les ceci cela qui font des trucs té-chan Tu regardes avec les Sages Po y a toujours eu des p'tits délires, des trucs té-chan. On appelait ça des chants insensés à l'époque. C'est pas genre on se moquait mais même si c'était té-chan, même si c'est faux, ça amène une vibe tu vois ? Donc sans prétention moi, je vais pas te dire j'suis un chanteur. J'suis un rappeur à la base mais c'est vrai que j'ai l'âme mélodique, j'aime tout ce qui est mélodique, même dans le hardcore j'aime bien les p'tits trucs mélodiques. Donc l'évolution, oui, elle peut prendre cette direction.

ZOXEA : Ouais ouais. D'toutes façons tu verras il y en a de plus en plus qui vont y venir je pense.

SINIK : Si si mais moi j'essaie d'évoluer dans le bon sens, tu vois ce que je veux dire ? Il y a des trucs que je peux pas dire maintenant comme quand je rappais et que j'avais 18 ans tu vois, donc j'essaie d'évoluer dans ce que je dis, d'éviter de tomber dans la gratuité, de comment dire ? de pas être gratuitement méchant, tu vois ce que je veux dire ? Tu peux être hardcore et tout ça dans un côté dénonciateur mais je voulais pas être hardcore pour être hardcore. Maintenant j'essaie de donner plus de sens à ce que je dis, j'essaie de faire plus attention à ce que je dis pour voir s'il n'y a pas des incitations.

SINIK : Pas d'incitation à la haine parce que je ne suis pas quelqu'un qui va inciter à la haine mais tu sais des fois, tu as une phrase dans la tête qui sonne bien, tu réfléchis pas toujours au contenu, tu réfléchis plus au truc, que ça sonne bien tu vois "j'aime bien comment j'ai dit ça", ou au flow. Mais tu réfléchis pas en fait au mot, tu vois ce que je veux dire ? Il faut faire attention à tout ça. Donc moi j'essaie d'évoluer dans le bon sens tout en gardant la pêche, le même côté hardcore. Moi c'est ça mon but, prouver qu'on peut faire du rap hardcore sans pour autant brailler ou tomber dans les clichés de la violence. On peut être hardcore tout en parlant de choses vraies, il suffit de les dire de la manière hardcore. Après c'est le langage d'aujourd'hui, j'ai rien inventé.

SINIK : Après c'est chacun son p'tit truc mais le langage, il appartient à tout le monde

ZOXEA : ça dépend des morceaux, c'est pas un seul message. Parce que quand tu fais un morceau, t'essaies automatiquement de faire passer quelque chose ou un message : c'est toi qui domine, c'est toi qui est fort, ou un message positif, ou un message plus énervé contre tel ou tel système. C'est différents messages. Perso, j'ai pas un seul message mais c'est plus positif qu'autre chose, quoiqu'il arrive c'est d'être positif.
SINIK : Ouais c'est comme il dit, s'il n'y avait qu'un seul messageà faire passer, c'est par rapport à notre passé. Nous on a un vécu, c'est pas qu'on a fait la guerre ou quoi mais on a fait des erreurs. Si on peut, comment dire, permettre à certaines personnes de pas les faire tu vois, je pense que c'est pas plus mal. Sinon c'est vrai que le message est global. Tu peux pas dire j'ai un message. Le rap c'est varié, il y a un côté un peu égotrip, crise tu vois, il y a plusieurs variétés, y a le clash, ça va un peu dans tous les sens. Tu peux pas avoir un seul message comme ça, tu peux pas généraliser ton rap comme ça mais tu peux globalement avoir un message. Tu sais si tel ou tel rappeur est plus comme ça ou si lui il a plus l'habitude de se plaindre.

ZOXEA : ça fait genre on a fini notre carrière (rires)

SINIK : J'écoute du pera depuis 90 mais j'ai commencé en 97

SINIK : Non en 93 j'avais 13 ans, c'est chaud (rires) et c'était pas comme maintenant, c'était plus dur. J'veux dire j'habitais pas à côté de Paris, et chacun faisait ses sons dans son coin, se débrouillait.

ZOXEA : Le bilan ?

ZOXEA : Il y a eu des hauts et des bas. Il y a de plus en plus de structures qui se sont montées, il y a de plus en plus d'inépendants, des gens autodicdates qui savent qu'ils doivent monter une société, produire un album de A à Z, comment le démarcher, le dealer là ou là, le sortir à tel ou tel moment, tu vois y a des gens qui connaissent le biz. C'est pareil pour les producteurs, les mecs qui font des sons. il y a de plus en plus d'autodicdates, les mecs connaissent les machines, c'est rapidement pour le bizness. Y a une grosse industrie à l'intérieur même de l'industrie de la musique, tu as l'industrie du rap qui s'est quand même développée.

ZOXEA : Oui pour le côté positif mais le côté négatif c'est qu'il y a de plus en plus de groupes, tout ça, de plus en plus de jalousies, de plus en plus de haine, de plus en plus d'argent, de plus en plus d'histoires, c'est connu.

ZOXEA : Oui. Je vais pas te dire qu'il n'y en a pas que dans le rap, mais c'est comme ça.

ZOXEA : Il faut être de plus en plus armé. Quand je dis armé, c'est pas des guns ou quoi que ce soit, c'est être préparé, il y a plein de pièges à éviter, il faut savoir avec qui tu marches.

ZOXEA : Mais on y revient, on y revient... C'est comme partout : aller trop loin c'est trop dangereux, il y a un petit apaisement. Là je sais pas si on est dans l'apaisement parce que ça clash, ça revendique mais c'est ça aussi l'esprit, c'est la compétition. Il y a des bidons qui revendiquent alors qu'ils n'ont pas les armes, tu vois ce que je veux dire.

ZOXEA : Oui, heureusement, il y a quand même des connaisseurs :)

SINIK : Le 23 novembre normalement.

SINIK : Oui, j'suis aussi déçu que toi t'as vu, mais on peut pas faire autrement.

SINIK : Ah ouais ? :) Ben tant mieux mais bon, maintenant t'as la date

SINIK : Non non, t'inquiète .

SINIK : Moi je les vois plus, je sais même pas ce qu'ils font

SINIK : Non, c'est pas solo solo. En disant ça, ça me fait passer pour un individualiste. Mais c'est que voilà, la vie a fait que maintenant on se voit plus, on s'cotoie plus; J'écoute pas ce qu'ils font et je pense que c'est pareil de leur côté tu vois. Je saurais même pas te dire où ils en sont, j'écoute pas.

ZOXEA : ... (avec un pitit sourire)

ZOXEA : Pour l'instant c'est dans la lumière. Après si on est dans l'ombre, je sais pas...

ZOXEA : Ce jeu ?

ZOXEA : A mon tour de briller, dans la lumière... Il y a un côté spirituel aussi chez Zoxea. Quand je te parle de la lumière, c'est pas le strass et tout ça, c'est être dans la lumière dans le sens où tu la vois partout, mais c'est plus de la lumière divine, là c'est la spiritualité.

ZOXEA : Ca fera 10 ans que le 1er album est sorti "Qu'est-ce qui fait marcher les Sages" donc on espère... Dany doit sortir son album aussi, on n'a pas encore de date mais... C'est du travail. De toutes façons les Sages Po, on a des morceaux que personne a jamais entendu. A l'époque on carburait des 50 titres, on a plein de morceaux qui auraient pu être dans les différents albums qu'on a sorti. Rien qu'avec ça y a déjà de quoi faire un album, rajouter quelques inédits, et y a le concert après. Faut pas décevoir le public, c'est surtout ça.

ZOXEA : Les 2.

ZOXEA : Oui, bien sûr. Pas quand je le fais mais après, quand je l'analyse, tout ça, bien sûr. Il y a des gens qui nous suivent depuis tout ce temps et pour ces gens-là, on a un certain respect. Tu vois les mecs qui viennent ils nous écoutent depuis telle ou telle année, les mecs ils ont vécu avec nous quasiment. Tu vois nous on est dans notre quotidien, on fait nos trucs, tout ça, et y a ces gens qui nous suivent, sans pour autant être des fanatiques. Ils sont là, ils nous supportent, ils nous portent. Avec les Sages Po on a vendu 50 000, c'est vraiment que par le bouche à oreille, la rue tu vois. Les gens nous ont porté, et ces gens là, il en reste encore.

ZOXEA : Musicalement ?
SINIK : Non. Moi je travaille pas. Et pis ça m'intéresse pas de bosser (rires de Zoxea)

SINIK : C'est vrai. Mais même si j'en avais, ce serait pareil (éclats de rire général)
ZOXEA : Non. Moi je travaille pas.

ZOXEA : Moi les feats que je voulais faire, je les ai fait et pour les feat US aujourd'hui, tout est possible, c'est pas comme avant. Aujourd'hui si tu veux quelqu'un sur le skeud ben tu allonges, c'est ce que je te disais, c'est le bizness. Et sur Paris, c'est un microcosme, on se connait, on se cotoie, si tu veux un feat c'est facile.

ZOXEA : Non

ZOXEA : Bonne chance

ZOXEA : Tu me poses une colle là... Continuez à suivre Sinik et Zoxea et l'underground.
SINIK : Pareil

ZOXEA : Oui, qu'ils continuent à suivre ce qu'on va faire parce que ça va être lourd, tout ce qui va arriver ça va être lourd