45 Niggaz, où la face énervée de Marseille. Le premier album de ce collectif Phocéen, intitulé "Justice Sauvage", est une petite boule de nerfs, un disque nerveux et compact; ça transpire l'urgence et les 3 MC's se complaisent dans un bondissant constat parfois moraliste mais toujours amer sur des prods d'une efficacité sans complexes. Rap revendicatif pur et dur, ce disque n'en tire pas moins son épingle du jeu.
Après une intro aguichante de DJ Magik ou les plus au courant d'entres nous pourrons reconnaître pas mal de titres français connus resamplés, on est directement plongés dans un "Coups pour Coups" étonnant par sa luminosité; un titre très feutré et aigu, doté d'une basse volatile, servi par un groupe énergique capable de mener un morceau sans faire redescendre la pression avant la fin. Immédiatement, on a la nette sensation que le Show sera carré. Et on a raison.
L'urgence est certainement le mot qui définirait le mieux l'athmosphère globale de "Justice Sauvage": les coups de speeds sont fréquents, les voix graves, les rythmes effrenés, les samples pressés; on passe tout le CD à courir après les mots et les refrains qui se succèdent à un rythme frénétique. Ca ne s'arrête jamais!
Tout n'est pourtant pas parfait dans cet album, ainsi les thèmes, s'ils sont bien traités, ne respirent pas tous une grande originalité, et on a droit à nos quelques clichés habituels avec des titres dédiés à la rue, au bled, au fric... entre deux exercices de styles agressifs, la notion de l'honneur semble également avoir été bien développés, comme le montrent plusieurs titres. "Sang Froid & Coeur Fier", "Force & Honneur", ou "Eléments", le 45 Niggaz est dans son truc, et ça sera rester droit! Certains des textes font d'ailleurs à ce sujet plaisir à entendre, s'écartant du cliché de la caille vivant de son bizness et ainsi la vie est meilleure, le groupe pose ici un message noble et conscient sur "Cash Money"; ici, on ne veux pas d'argent sale. De plus, la positivité et la sincérité dégagée par nombre de textes sont deux qualités en voie de disparition, mais très senties ici, sous la cape des flow rageurs ou médiateurs, selon. Par contre, tout n'engendrera pas autant d'éloges, comme un "Pousse Tonton" au refrain malencontreusement ragga, ce qui a le pouvoir de rendre un titre soit plus complet, soit plus vendeur, et c'est bien cette seconde impression qui laisse un arrière-goût amer sur le palais. Enfin, c'est la mode... A côté, je tiens à souligner que c'est pour un excellent final que le Rat Luciano rejoint ses compères Marseillais sur "Vie d'Enfoiré", et que ce morceau est tout simplement bon (et l'instru, un véritable bijou, chapeau à Fabio, auteur de l'oeuvre!)! Luciano lui-même nous rapelle qu'il sait rapper, comme quoi, faut jamais croire savoir à quoi s'attendre à l'avance.
Les instrus, s'ils sont dans l'ensemble très justes et très beaux, ne manquent pas, à la longue, d'une certains redondance; notes aigües dans des mélodies inninterompues de prods complexes, ce n'est pas sur le travail que l'on aura à blâmer, bien au contraire, mais sur la répétitivité des boucles qui dissèment ça et là une ambiance souvent similaire.
Certains morceaux brillent par contre dans leur classissisme, revisitant des thèmes surexploités, mais réussissant néanmoins à le faire bien, ce qui devient malheureusement rare. Peu de tracks se démarquent par leur anticonformisme, tant dans le fond que dans la forme: "Justice Sauvage" reste un disque très académique.
Académique mais néanmoins efficace, tant l'envie de tout bouffer des 3 MC's est palpable, et le taf du concepteur sonore bien fait. En ressort un premier album réussi pour 45 Niggaz, qui devraient logiquement acquérir dans les temps à venir une notoriété grandissante. En tout cas, cet album, même s'il comporte malgré tout quelques erreurs de jeunesse dans un mix très carré, le justifierait sans problèmes.