On peut lui reprocher d'être dépassé, on peut lui reprocher de ne plus être à la hauteur... On dira ce qu'on voudra mais Kool Shen est toujours présent, et après toutes ces années, je pense qu'il mérite le respect. Après NTM et IV My People, l'un des premiers rappeurs français arrive enfin avec son album solo. Pas de Joey Starr, pas de Salif ou de Sérum, on sent bien une volonté de se détacher de tout ça, c'est du pur Kool Shen. Après une première écoute, on se rend compte qu'il a su garder sa ligne conductrice, l'atmosphère est sombre, pas featuring R'n'B, pas de formatage, ça fait plaisir de voir qu'après toutes ces années il n'a pas baissé son froc.
Avant de nous pencher sur le contenu, il est à noter que Shen a tenté de lutter contre le piratage à sa manière, et c'est tant mieux : on a le droit à un superbe visuel, un cd/dvd double face, à une plage cd-rom, à des réduction 2High... Autant dire qu'on ne regrette pas son achat :p
Allez, sans plus attendre, ladies and gentlemen, débutons ce dernier round.... DING !
Kool Shen démarre fort avec un morceau coup de poing, « On a enfoncé des portes », très énergique et puissant, dont le titre résume mieux le contenu que n'importe quel commentaire. Malheureusement le rythme redescend vite avec « C'est mal barré » et « Y suffit d'un rien », 2 titres au contenu très vague et peu original, qui se ressemblent un peu finalement. Il reste néanmoins sur ses jambes grâce aux excellentes prods de Madizm et Sec Undo, sombres et efficaces. Jusque là le niveau est bon, mais il est encore très loin de nous avoir sonné. Sûrement piqué dans son orgueil, il se déchaîne soudainement sur «‘Two Shout iv my people », un titre résolument dancefloor, en totale opposition avec l'atmosphère précédente. Mais il se débat dans le vide, car ce morceau est très loin d'être convainquant avec son absence de fond et son refrain soûlant... un peu dommage. Plus le round avance plus on est en droit d'être déçu, car on sait que le MC peu donner beaucoup plus. Il semble le réaliser, car c'est alors qu'il nous sort le désormais célèbre « Qui suis-je ? », un morceau introspectif (forcément ;)) très bien écrit, à l'instru noire, puissante voire presque angoissante. Kool Shen se décortique en évitant l'égotrip dans un texte sinueux et d'un bon niveau. Du beau boulot, il semblerait que le niveau remonte ! Zoxea vient alors l'épauler, le temps d'un « Change de style », très efficace lui aussi, sur ceux qui sucent des boules pour réussir, même si à mon goût le Sage Poète a été plus en forme. Alors que nous commencions à chanceler, Kool Shen nous ressort un petit morceau dansant. Un "Retour du babtou" qui s'en sort très bien sur la forme, mais qui ne va pas plus loin.
Attention, les 5 derniers coups du match sont décisifs, et il semblerait que Kool Shen l'a compris ! ce sont ses 5 meilleurs attaques qui arrivent : Tout d'abord « Oh no », un titre qui sonne un peu "gitan", frais et original. Une bonne surprise qui renferme un texte bien pensé sur le cercle vicieux dans lequel tombent les jeunes de cités. Nous sommes déjà bien entamés alors qu'il se lance dans son « Un ange dans le ciel ». Un titre qui se révèle vraiment très touchant par le texte sincère sorti de l'esprit torturé du rappeur. Un hommage à Lady V, une ex danseuse de NTM et amie de Kool Shen, décédée en 2000. Suivent 3 uppercuts qui ne peuvent que mettre tout le monde d'accord. Le premier : "Les médias" qui est le genre de titre que l'on attendait : instru lente et ravageuse, lyrics engagés, un régal ! "D'une goutte de sang ils en font une flaque" ou encore "quand on voit que pour un skeud ils peuvent mentir autant, imagine quand il s'agit d l'OTAN". Pas le temps de se relever, on enchaîne avec "Quand je prends le mic" où Kool Shen nous raconte son histoire avec le Hip Hop, sur une prod impeccable qui colle parfaitement à l'ambiance, avec un flow acéré. Le match se termine avec un "Dernier Round" en compagnie d'Oxmo Puccino : les paroles relativistes et philosophiques des 2 rappeurs se succèdent, baignées dans le meilleur son du skeud, à base de boucle de piano. Un grand duo du rap français qui risque de devenir classique. On ne se relèvera pas après ce titre...
Finalement il est dommage que Kool Shen ne nous ai pas servit que des morceaux à la hauteur des derniers, et on regrettera particulièrement la présence de titres dancefloor... Malgré tout la qualité est bien au rendez-vous, mais ce n'est finalement pas une surprise à la vue de la carrière du bonhomme. Il a réussit son pari en sortant un album qui varie du bon à l'excellent. Enfin un skeud disque d'or qui le mérite réellement !