Il y a des jours où on se lève sans trop savoir pourquoi et il y a des jours où on remercie le ciel de s'être levé. Le jour où vous écouterez « Ni Dieu Ni Maître » pour la première fois sera peut être un de ceux là. Sorti il y a déjà quelque temps, l'album du crew lillois a malheureusement connu moult soucis de distributions : après une couverture régionale, c'est depuis peu par le net qu'il trouve son salut et devient accessible à la France et au monde entier. Les joies de l'indé. Joies de l'indé également de pouvoir écouter ce genre de groupe, affichant ouvertement leurs influences électroniques, hip hop et club, les sons de la Spirale offrent une symbiose efficace des mouvements grime, rap français et autres dirty south, digérés puis recrachés brutalement. On ne peut plus actuelle, leur musique est un assaut vengeur du dancefloor par trois lillois survoltés, qui sentiraient encore les effets du rail de coke de la veille.

11 titres, 11 tubes. C'est ainsi que la Spirale a abordé cet album. Les flow de Arom, Blazé et Yeros s'enchainent avec hargne, et avec une rancoeur non dissimulée envers la société. C'est entre égotrip et cynisme qu'ils dépeignent leur difficulté à vivre en communauté « M'en voulez pas si j'parle peu, que les gens m'écoeurent ça j'en ai peur », au travers de textes parfois crus, parfois abstraits et souvent déstructurés par la complexité des flow. L'expression d'un mal de vivre, d'une oppression virant à la paranoïa. Musicalement l'efficacité du groupe n'est pas à remettre en cause, derrière ses machines Arom (le beatmaker) semble filmer Mario Bros en pleine orgie dans un orchestre philharmonique. Il n'y a qu'à écouter les instru de « Hall Access » ou de « Paraît » pour s'en convaincre. Ou encore celle d' « Anarchie », sur ses notes d'apocalypse martelées furieusement par un beat binaire.

Et la Spirale sait s'entourer. Aetoms signe l'excellente prod d'un « D2T » résolument dirty south dont les sons viennent langoureusement vous gratter les bronches. Un des meilleurs refrains de l'album. Sans aucun doute. Second invité à la prod : DJ Bonetrip's des Gourmets, qui vient admirablement habiller les flow de nos trois nordistes sur « Star Trek », à la fin duquel il nous sert un instrumental évolutif et scratché tout simplement sublime. Que de superlatifs j'avoue ;). Les Gourmets, meilleurs amis lyonnais du groupe, sont très présents sur le skeud : Liqid est en feat sur « Anarchie » et ils sont au grand complet sur « La Belle et la Bête » (épaulés de Manimal et de Psylo) pour un des meilleurs titres de l'album. « Ton mépris me rappelle qu'on fait avec c'qu'on a quand la belle veut pas, réveille la bête qui sommeille en moi », une amère vision des relations entre les hommes et la gente féminine, des flows survoltés sur le beat lourd d' une musique lancinante. Le dernier guest sera le groupe Rennais Ambitieux qui vient épauler le crew lillois sur « Hall Access » pour un grime time des plus efficaces. En cadeau, le skeud se termine par trois excellents remix, par Arom, Aetoms et Butch, permettant de redécouvrir les morceaux avec de nouvelles ambiances. Rien à jeter.

Finalement que reprocher à ce skeud ? Trop court ? Un peu brouillon ? Lyrics difficiles à suivre ? Rien de tout cela ne pourra faire fléchir mon enthousiasme. Le hip hop, matière en ébullition et en constante évolution, prend une nouvelle direction avec cet album et on ne peut que s'en réjouir. Loin des sentiers battus, à n'en pas douter trop loin pour certain, mais qu'importe. A écouter. A acheter.