Une fois l'album entre les mains, on est d'emblée frappé par le côté sombre et glauque qui ressort de ce skeud... Du visuel violent de la boîte au contenu, tout contribue à nous placer dans une atmosphère unique.
Pour réaliser leur sombre dessein, Tefa, Eben & Masta ont rassemblé un beau panel de rappeurs français : on retrouve de nombreux noms familiers, tels Sniper, Dadoo, Rohff, Busta... pour ne citer qu'eux. A ce niveau là, c'est presque un sans faute. Non pas que tout le monde (absence de rap marseillais) ou tous les meilleurs soient là, mais ceux présents collent parfaitement à l'ambiance. Sortie dans la même période que PC2, et avec beaucoup moins de moyens (et donc de « célébrités »), Eben et ses compères tiennent là une compile bien plus réussie que leurs concurrents : qui forme un véritable tout et bien plus poussé artistiquement. « D'ailleurs MS n'est pas une compile, c'est un album concept de producteurs, c'est important. » (Tefa)
Mais venons-en au contenu proprement dit... Pas un titre n'est à écarter, rien que du bon, et du lourd ! La grande majorité se caractérise par une ambiance pesante, noire, voire oppressante. Après une première écoute, les titres les plus marquants (pour moi) sont : tout d'abord «Paris», un morceau terrible (bons scratches savamment distillés, instru bien lourde, beat stressant & assez bonne perfs des rappeurs, notamment de Rocca) qui fait l'apologie du rap parisien.. Vient ensuite «La Masse», un titre ragga tout aussi sombre que le reste, où Daddy Mory, Jacky et leurs collègues déversent des flots de lyrics à une vitesse parfois impressionnante ; et le très bon «Sport de Sang», de nouveau un son pesant mené par les excellentes perfs de Dadoo, Tandem et Busta Flex (particulièrement). Enfin, je finirai par les deux derniers morceaux de l'album, pour moi les meilleurs, et avec lesquels le titre du skeud prend tout son sens... «Naître pour mourir», le premier, est un son à ne pas écouter en période de déprime (le titre parle de lui-même) : les rappeurs mènent leur sujet sur fond de violons et sur un beat lourd et lent, avec au refrain, une voix lointaine et triste d'un enfant... A mon avis, un truc à écouter absolument! Et «Meilleurs Vœux 2», qui clôt l'album, traite de la misère et de la tristesse qui règnent pour les démunis à noël, et qui est masquée par cette ambiance de fête... Et le titre se termine par un suicide... sur fond de musique de Noël (comble du sadisme) ! Egalement un excellent son, en particulier par le sujet traité.
Sinon, on a le droit à une intro et un outro qui relate une opération militaire (enfin, du moins les voix et les bruitages)... C'est sympa, mais c'est le genre de truc qu'on écoute qu'une fois.
Passons maintenant au reste, également de très bonne facture. Dans l'ordre, on a « Mission Suicide » où les rappeurs partent en guerre contre l'état (d'où le titre) sur une instru bien stressante menée par les violons. Un très bon morceau, où posent notamment Tunisiano et Blacko (qui nous sert une jolie perf vocale pour le clore ). On enchaîne ensuite avec « Rap de barbare », qui rassemble Pit Baccardi, Disiz, Rohff et Gwen Boudda ; le titre parle de lui-même ! On y retrouve un excellent Rhoff violent comme à ses débuts (il s'est assagi avec son dernier album) mais un Disiz un cran en dessous de ses partenaires, peut être parce que son timbre de voix ne colle pas avec le morceau... « On fout le bordel », un titre dans la même lignée, là encore, se fier au titre, c'est bourrin et c'est du tout bon. On trouve ensuite « Qui pourrait me dire », avec que des meufs : Diam's, Princess Aniès, Isis et China au refrain. D'habitude, j'aime pas trop le rap féminin... mais là, j'avoue que le son m'a plu, il donnerai presque envie de chialer, avec une instru bien mélancolique. Encore un titre qui colle bien au concept du skeud. On continue avec « J'emmerde les modes », un titre bien oppressant, sur lequel se place parfaitement la voix de Lino ; suivi de l'excellent « Je dois me battre » sur lequel se réunissent 2 bal et 2neg' (qui posent un bon rap, accompagné d'un refrain ragga.) Enfin, on a « Naître pour mourir » où j.mi Sissoko pose 2 couplets : c'est plutôt tranquille, mais je trouve que ça ne colle pas à l'instru et limite à l'album. Heureusement, il n'est pas seul et Lord Ko apporte la touche vénère qui manquait.
J'en arrive au cas « Gomes et Tavares », situé en plein milieu de la tracklist. Dadoo et Eben y ont choisi de critiquer les flics de façon humoristique et de ce côté c'est plutôt réussi, d'ailleurs c'est un concept original, à creuser. Non pas que le titre soit mauvais (enfin, moi j'aime pas, peut être à force de l'entendre en radio...) mais franchement c'est vraiment un son qui fait « tâche » sur cet album, il sort complètement de l'ambiance... De plus il apporte un aspect commercial (de par sa forte médiatisation) qui se détache de l'esprit du skeud.
Enfin bon, dans l'ensemble, il s'agit d'une excellente compile, comme on devrait en voir plus souvent. Tous les titres (ou presque) sont excellents, ont été composés dans un souci d'unité et forment finalement un véritable tout, ce qui est une vraie performance. Bref, du lourd, du noir, un skeud à posséder !