Son d'automne
>>> Dreyf
         Que voilà un EP qu'il m'a été plaisant de découvrir ! Tout d'abord pour l'artwork à l'esthétisme délicat, très bien réalisé par Omen Graphizm. Ensuite pour l'intelligence avec laquelle ont été disposés les morceaux et qui fait que ce EP est aussi bien construit que les titres qu'il comporte.
Le titre à lui seul résume admirablement l'atmosphère tant instrumentale que lyricale de l'album. "Son d'automne", quelque soit le regard qu'on lui porte (visuel et auditif) porte haut les couleurs d'une saison mélancolique en prise avec les premiers froids qui vous saisissent et vous glacent mais dont les rayons de soleil vous maintiennent l'âme dans une disposition d'espérance.
Chaque morceau porte en lui cette dualité, les ambiances des instrus sont souvent en contraste avec l'intensité de la voix, les textes tour à tour désenchantés et cependant pleins de vie, de persistance, d'obstination, d'espoir. On courbe le dos pour mieux tenir jusqu'au printemps.
Premier titre éponyme, "Son d'automne" nous met de suite dans le bain, avec son beat jazzy, son mélange paisiblement joyeux de piano et de saxo, à la voix un peu rageuse, dont les textes désabusés ("j'ai dit que c'était du son d'automne, celui qu'entame l'hiver et vu comme c'est parti ben mieux vaut pour moi que j'hiberne") suintent les regrets et annoncent la revanche ("pouvoir briller devant les miens, mes parents, ma famille, mes potes. Raisonner les oreilles d'ceux qui disaient que je valais rien"). Mais l'important ce n'est pas la chute, c'est l'aterrissage : "je voulais ignorer la vie, c'est une putain d'allumeuse"
Je mettrais cependant un bémol avec "Des ménages", le second morceau. Je trouve qu'il manque de transition sonore avec son skit d'intro (Le Métèque, de Moustaki) et j'ai l'oreille perturbée par l'instru (au demeurant fort plaisante) comportant une voix chantant en anglais. C'est planant à souhait mais ça perturbe mon oreille qui ne sait plus lequel suivre, de cette chanson planante ou de Dreyf et de son rap très bien écrit (et posé) : "Concrètement j'ai connu peu de chaumières heureuses, souvent les pères chôment et les mères tout le temps se creusent. Il fait hyper chaud sur les terres arides de l'enfer" ; "Mon horizon est tellement différent. J'ai pas eu d'famille sédentaire, je suis ce petit juif errant".
Je ne vais pas vous détailler chacun des titres de cette façon, ce serait trop long. Vous avez capté que ce skeud était bien bati, sur des instrus superbes et subtilement produites par Defré Baccara, K-Tharsis, Chi, L'Artisan, DJ Metodh, Jahno. Ses textes sont d'une belle écriture dans lesquels Dreyf a une façon toute personnelle de placer son histoire et son regard qui en découle sur le monde, des textes qui nous parlent à tous, à toutes même (je pense là en particulier à Lacérations, morceau dans lequel il rend hommage d'une façon particulière aux femmes par 3 histoires différentes : le courage banal et anonyme, l'enfant victime d'inceste, la femme limitée à l'usage de son sexe, couplet surprenant tant il est inhabituel d'entendre un homme exprimer ses regrets pour ses comportements immatures passés). Son flow n'a rien à envier à personne. Cet album est maitrisé d'un bout à l'autre. Sur les 7 titres de l'EP, 3 sont en feat de bonnes factures, que ce soit "Sous le chemin de l'école" avec Viny (vieux compagnon de route de Dreyf puisqu'ils faisaient partie du même collectif de 2001 à 2003) au refrain entêtant porté par ce que je m'avancerais à identifier comme une cythare électrique (mais là je vous préviens je m'avance beaucoup) "J'ai toujours voulu rester jeune et insouciant, dans ma bulle face au monde, pas dedans à faire l'aumône" et qui fait entendre la voix de Guillaume Canet par un extrait judicieux de "Jeux d'enfant", "Exil temporaire" avec Rash (du Ghettosuperstar, collectif d'Ärsenik) ou Les gens avec Nga Fsh, rappeur de Los Angeles du groupe CVE, surprenant morceau moitié français moitié anglais, dont l'instru limite disco ajoute une note pêchue à l'ensemble et il fallait bien ça parce que ce n'est pas pour la gaieté des textes "J'mate le monde avec cynisme quand on vient m'parler de civisme, m'suffit d'entendre leur police pour me rendre compte de la mythomanie ambiante".
Je retiens (et j'y vois une intention positive) que c'est par un côté ensoleillé qu'il a choisi de clôturer l'album, avec "Quand je m'évade", au flow plus appuyé "C'était Dreyf pour son d'automne, passage bref dans son parcours. c'qu'il en déduit d'cette expérience, c'est que l'espoir est partout."
"...Les sanglots longs des violons de l'automne bercent mon coeur d'une langueur monotone..." Ces vers de Verlaine ont été le code pour annoncer le débarquement en 1945. Soixante plus tard, 2005 : Son d'automne, Dreyf est en France (la question est de savoir quelle saison il nous annonce).




Dreyf
EP / sorti en 2005

Chronique de Lady Psycho
note : 16 /20

01 - Son d'automne
02 - Des ménages
03 - Sous le chemin de l'école
04 - Exil temporaire
05 - Lacérations
06 - Les gens
07 - Quand j'mévade

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Dimanche 23 Décembre 2012
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