Du rire aux larmes
>>> SNIPER
         Voici donc enfin le très attendu premier album des Sniper, le jeune crew de Deuil-la-Barre… Après une entrée très remarquée du groupe dans le monde du hip hop avec l’excellent «exercice de style » (produit par BOSS), ce skeud était déjà considéré comme événement de l’année 2001, avant même sa sortie. Et vraiment, pas moyen d’être déçu, ils parviennent même à créer la surprise ! Pour moi, il s’agit là plus que d’un excellent album, une véritable révélation ! La grande force de Sniper vient de la complémentarité de ses membres… Tunisiano apporte une voix plus aiguë, Blacko le côté ragga, Aketo pour une voix plus «banale » et enfin DJ Boudj pour les scratches… complémentarité qui apporte un tout vraiment unique et des sons toujours très vivants.
Dans ce premier skeud, les Sniper ont tout d’abord voulu faire un bilan sur leur quotidien, une sorte de présentation, d’eux et du monde qui les entoure. Ils y mêlent habilement humour et mélancolie au travers de diverses tendances musicales : rap bien sûr, mais on notera des touches de ragga, de R&B et même de rumba ! Au travers de leurs sons, ils ont voulu dégager différents sentiments : « Comme le titre de l’album l’indique, on a essayé vraiment de passer du rire aux larmes. On a fait des morceaux mélancoliques tout comme des morceaux comiques […]. Dans la vie, un jour on pleure, un jour on rit… »
Le skeud commence par une bonne intro scratchée de Boudj qui reprend des phrases-clés avec un message clair : le groupe arrive comme une bombe dans le hip hop français. On enchaîne ensuite avec « Sniper processus », un bon morceau qui bouge bien, bien hip hop. C’est le son qui ouvre le bal et nos lascars y font une présentation d’eux-mêmes, comment chacun en est venu au rap et comment il représente.
On en arrive maintenant à «pris pour cible », le premier single de l’album. Un morceau plein de fraîcheur avec une excellente instru que l’on ne se lasse pas d’écouter. Les perfs des MC’s sont comme toujours un sans faute, avec une mention toute particulière pour Black Renégat qui nous sert un couplet et un refrain terribles. A remarquer que Tunis pose ici ses 16 mesures en rebeu. Ce titre est un constat qui reprend les clichés de la société française : le fait d’être jugé par rapport à sa sape, à son origine, à plein de détails. « Au début tu te dis que les gens font de la parano, puis, au fur et à mesure, tu te rends compte de pas mal de choses, comme le mec qui te demande de payer avant de consommer, ou celui qui te demande 15 000 papiers, parce qu’il pense forcément que tu as un chéquier ou une carte bleue volés. » (Boudj). Un morceau vrai, sur un thème peu souvent exploité et qui nous concerne tous.
On continue, dans l’ordre, avec «faut de tout pour faire un monde », pour moi un des meilleurs titres de l’album. L’instru est, là encore, excellente, avec quelques notes de piano qui reviennent en boucle et un beat bien lourd ; elle crée une certaine tension. Sur ce morceau, les trois rappeurs énoncent à tour de rôle une situation grave de la vie courante ; il n’y a aucun refrain, tout va très vite. Sujets tabous et actes intolérables, tout y passe sur un ton très froid, avec une «conclusion » : « Et si tu t’demande pourquoi on raconte tant de choses immondes / c’est qu’apparemment faut d’tout pour faire un monde / car y’a des mecs comme moi / et y’a des mecs comme lui / y’a même des mecs comme toi / ça donne le monde où l’on vit. » Leur objectif est ici de dénoncer (personne n’est cité) et non de juger, c’est aux gens de le faire.
Après une petite intro vient ensuite «le crew est de sortie », un des plus vieux morceaux de l’album. L’instru est assez minimaliste (juste un léger violon), mais on se laisse facilement porter par le flow de ces trois fêtards. C’est un titre délire (j’adore), tout y passe et avec beaucoup d’humour : la boisson, le spliff, et bien sûr, les meufs ! «Il est très représentatif de ce qui se passe chez nous. On aime bien sortir, c’est un sujet qui nous tenait à cœur. » (Aketo). Ensuite, on trouve «Tribal poursuite », qui relate une course-pousuite avec des skins (le seul titre fictif de l’album. Un bon exercice de style, brillamment relevé.
Vient maintenant un des morceaux les plus violents de l’album (et un de meilleurs) : « La France ». Comme on peut s’en douter, ce sont le système et l’état qui sont visés, tout au long des quatre couplets d’un tunisiano vénère. Le thème se concentre plus particulièrement sur la justice et les flics : il déplore que les re-nois et les rebeus soient plus facilement et plus durement condamnés que les français. Ils mettent à notre disposition quantité d’exemples qui parlent d’eux même pour dénoncer les choses qui ne vont pas. Le titre se termine par un chant de coq… puis d’un coup de feu ! Le message est clair ! (ou si vous ne comprenez pas, je peux plus rien pour vous)
On continue avec un magnifique titre, qui contraste vraiment avec les deux précédents : «Du rire aux larmes ». On a le droit à une petite intro de musique classique bien relaxante, puis le beat arrive et le morceau commence. Au refrain, la magnifique et mélancolique voix de M-J Serrero… Le titre parle de lui-même, les Sniper y parlent des différents états dans lesquels ils sont au quotidien. « On y parle de nous. Un jour tu te sens bien, un jour t’es mal. Tout le monde pleure, même les mecs. Qui n’a jamais pleuré ? » (Aketo). Puis, en accord avec le thème de l’album, on change complètement de registre, avec « Aketo vs Tunisiano »… De loin le son le plus tripant de l’album : loin de l’esprit d’un clash, nos deux lascars se chambrent juste pour délirer et non pas pour rabaisser l’autre. «J’ai dû appeler les pompiers pour v’nir te prêter main forte / t’as r’gardé à l’œillet, t’es resté planté à la porte » Un morceau pur délire !
On enchaîne avec « La sentence », un titre qui sert d’avertissement contre les jaloux. Celui-là, il me plaît bien, il apporte une touche bien vénère (notamment grâce à l’instru), et la voix de Blacko dans le refrain est terrible !. Puis arrive le second single : « quand on te dit », avec Ji-mi Sissoko… Les Sniper se livrent à une sorte de délire égotrip sur un instru plutôt dansant. Je ne comprends pas trop qu’il ai été retenu comme single… non pas qu’il soit mauvais (c’est tout de même un bon son), mais les autres sont tellement mieux. Et comme pour me faire mentir, vient alors « Aketo solo », ou peut être la seule fausse note du skeud. Pourtant, l’instru est bonne, bien tranquille, et le rap d’Aket de bonne qualité… Mais on perd ici la complémentarité du groupe qui fait tout son charme et, personnellement, je trouve que le refrain scraché manque de rythme et fait une « cassure » dans le flow d’Aketo. Un bon titre, mais un cran en dessous du reste de l’album.
Avec « faits divers », on trouve un sujet vraiment d’actualité, encore plus qu’au moment où le skeud est sorti ! En effet dans ce titre, les Sniper parlent de faits qui sont un peu arrivés à tout le monde, mais l’idée principale c’est le fait d’aller voter, de profiter de ses droits pour se faire entendre et d’éviter le pire ! « Dans le rap, c’est bien beau de dire je nique le FN, je nique ceci, cela, mais bon, faut peut être faire quelque chose à côté et ça, c’est le minimum qu’on puisse faire » (Tunisiano) Sniper voyant ? peut être… Enfin bon, un excellent morceau, tant dans le fond que dans la forme.
Vient un pur trip sur les meufs : « La rumba ». En effet, on a là un son plutôt salsa qui peu surprendre (mais finalement bien kiffant), mais c’est pour mieux servir le délire ! Pour le contenu, je vais pas faire de long discours, mais faire une petite citation : « t’inquiète, j’veux surtout pas précipiter les choses / regarde par là, j’vais t’montrer quelque chose / oooh / ça te plaît ? / ouaaais / n’hésite pas chérie, laisse toi aller, elle est à toi pour toute la nuit… » Et arrive enfin le dernier son du skeud, qui sert de conclusion et qui nous donne une bonne leçon de relativité : même si on trouve que c’est la merde ici, y’a bien pire ailleurs, au moins, nous on peut s’en sortir. Une instru plutôt enjouée pour un très bon titre (j’apprécie tout particulièrement le solo ragga de Blacko à la fin)
En morceau « ghost », on a le droit à un vieux titre de 97 : « Mauvais fils ». Un morceau plutôt noir et mélancolique où les Sniper se posent des questions sur ce que doivent penser leurs parents d’eux. Un excellent son !
Une deuxième édition du skeud est sortie avec 4 titres bonus. Détails… Le premier est « Exercice de style 2 ». Un très bon morceau avec une instru un peu electro (elle déchire ! :o)), bien hip hop, qui bouge bien. Le second est un solo de Black Renégat, un titre reggae/ragga… perso, j’accroche pas trop à celui-ci, mais on y voit toute l’étendu de son talent : il prend une voix différente par couplet plus une autre au refrain ! Vient ensuite le remix d’ « Aketo vs Tunisiano ». Un remix sympa, qui colle bien à l’ambiance, mais comme d’hab, on a tendance à préférer l’original. Enfin, on a « Brève de mythomane », où ils nous font comprendre au travers de 3 histoires, qu’il est mauvais de s’enfoncer dans le mensonge, que ce soit pour se tirer une meuf ou pour préserver quelqu’un. Un très bon titre comme toujours, et assez mélancolique.
Bref, les Sniper nous servent là un excellent skeud et une excellente surprise. Un morceau bercé d’ambiances diverses et opposées, au travers de titres aussi réussi sur la forme que sur le fond. Pour un premier album, c’est un coup de maître ! Sniper arrive en force dans le hip hop : la relève est là !




SNIPER
LP / sorti en 2001

Chronique de Thomas
note : 15.5/20

01 - Intro
02 - Sniper processus
03 - Pris pour cibles
04 - Faut de tout pour faire un monde
05 - Intro le Crew est de sortie
06 - Le Crew est de sortie
07 - Intro Tribale Poursuite
08 - Tribale Poursuite
09 - La France
10 - Intro du Rire aux Larmes
11 - Du Rire aux Larmes
12 - Aketo vs Tunisiano
13 - La Sentence
14 - Quand on te dit (feat. J.Mi Sissoko)
15 - Aketo Solo
16 - Faits Divers
17 - La Rumba
18 - On s'en sort bien
Ghost track
Mauvais Fils

Tracklist CD bonus:
01 - Exercice de Style II
02 - Pur Sound
03 - Aketo vs Tunisiano - Dog Marts remix
04 - Brèves de Mythomane

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Dimanche 23 Décembre 2012
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