Quatre ans après son premier album solo, deux ans après celui de son combo mucho explosivo La Cliqua, voici enfin le retour rappeur parisien le plus latino, Rocca. Muscles bandés, plume et diction affutés, ce MC très haut débit empoigne le micro pour dénoncer ce spleen lancinant des rues de Paname et de Bogota mais surtout pour pourfendre l'apathie comme la violence que génère une telle société inhumaine. "Au lieu de se faire la guerre", comme il l'assène si justement, Rocca, le franco-colombien, par le pouvoir de sa "palabra chica", fait monter de quelques degrés le thermomètre rapologique sur cet album si bien nommé : "Elevación" y ... hasta la victoria siempre compadre ! ! ! Gonflé à bloc, Rocca attaque très fort, car dès le premier titre on sent dans son flow toute la rage qui l'anime, ainsi sur "Plaidoirie", il remet les pendules du rap français à l'heure en dénoncant tous les sujets faciles dans lesquels tombe un trop grand nombre de rappeurs afin de faire du fric, "Tu crois que je vais faire l'apologie de la violence, dis ? Que je vais glorifier, poétiser la misère pour m'enrichir sur celles des autres, l'embellir et pire que tout mentir..." Toutes ces lyrics pleines de haine transcendent la mélancolie émanant des pianos et des violons qui compose une moitié du contenu musical de ce disque de la maturité. L'autre moitié oscille entre ostinatos électro-synthétiques, comme sur le trip de vampires avec Big Red ("Sang pitié"), et épices calientes de la salsa ("El Original", "Toutes les haines disparaissent"). Car c'est l'un des atouts de cet album, les mots bruts taillés à même le béton retranscrivent tout à fait la grisaille parisienne dans laquelle il évolue, mais le Sud-Américain n'oublie pas ses origines, et les mélodies nous font profiter su soleil de son pays. Ou de quelques rayons au moins. Dans ses textes, Rocca met surtout l'accent sur l'intensité de ses propos, partagés entre constat social cinglant ("C'est mon monde", "Les rues de Bogota"...), profession de foi anti-gangsta/racailles ("Au lieu de se faire la guerre"), réquisitoire contre l'orgueil mal placé qui dérape en drame dans les quartiers ("Pour être un homme"), récit captivant (le braquage qui tourne mal narré dans les deux titres "Braquage", et "Spasmes"), refrain mobilisateur ("tous solidaires, tous volontaires !") et message d'espoir pour les générations futures. Plus une touche d'égotrip bien placé sans quoi le programme ne saurait être complet. Mais ce qui caractérise le plus "el rapero duro como la roca, puro como la coca" (rappeur dur comme le roc, pur comme la cok'), c'est évidemment son bilinguisme, qui hélas n'est pas assez exploité dans son album, à l'exception du titre "El Original" en espagnol, mais pour tous ceux qui apprécient le rap espagnol, Rocca sortira prochainement un album exclusivement espagnol "Alma y Dolor". A surveiller. Autre point noir de l'album, le flow qui peut devenir trop abrupte et difficile d'écoute à la longue, parfois lassant mais compensé par la diversité des mélodies. En gros, c'est un album que je recommande vivement, parce que le style de Rocca est original et comme il le dit sur le refrain d' "Hypnotic" (sur fond de chœurs soul signés Jayhem, chanteur du groupe Kojak) : "C'est vrai, cru, fort, pur, dur/ chaque épreuve me rend plus vrai, plus fort, plus dur". Bref, Rocca cola, boisson qui arrache pour épancher ta soif de hip-hop sans concession...