L'Amour est mort
>>> OXMO PUCCINO
         Pour son deuxième album, le black mafioso a frappé un très grand coup; 22 track de poésie pure, à grand renforts de mélodies particulièrements belles pour la majorité des instrus.
Oxmo a incroyablement évolué depuis "Opéra Puccino", son premier opus; ce qui nous est proposé ici n'est ni plus ni moins qu'une véritable merveille emprise de mélancolie et de beauté des lyrics. Les textes à double-language, usant à plus soif des symboles les plus divers sont extrêment efficaces et, chose très rare dans le rap, ils touchent réellement. On découvre un Oxmo très mature plein de philosophie et d'humour qui écrit plus des poésie que des lyrics, et ce, pour notre plus grand plaisir: on est souvent amené à réfléchir à l'écoute, notemment sur le titre "le laid" qui commence en parlant du lait maternel puis dévie, sans changer de mot, clairement et tout en douceur sur l'argent, qui remplace donc la boisson de la mère au cours de la vie, prenant la même importance capitale "c'est le lait / et c'est laid"; voilà qui résume clairement l'idée, non? Et bien non, la métaphore est si subtilement utilisée qu'il faut chercher un peu plus loin pour tout comprendre... le tout souvent rappé avec un rythme aussi efficace que des comptines pour enfants.
La poésie est aussi très forte sur des titres tels que "Mine de Cristal" ou "A ton enterrement" (feat. Dany Dan) ou les lyrics presques abstraits coulent sans un seul accroc sur des instrus aussi beaux que mélodieux. Encore, dans "J'ai mal au mic", on apprend qu'il "délivre un titre pour suicidaire averti / carabine a air déprimé cher tempe libre"... un orchestre de rimes amères toutes mieux trouvés les une que les autres, conçues pour réellement émouvoir l'auditeur..."Ma musique m'apporte un rythme cardiaque / suffit que le beat repparte / pour que mon mic batte":
Toujours de belle manière, Oxmo nous parle ainsi des femmes sur "Le tango des belles dames", dans une hymne à la tromperie et la trahison assez exceptionnelle...
Le flow du mafioso s'est encore et toujours amélioré et glisse avec une habilité incroyable sur les instrus de tous BMP: son agilité à débiter ses lyrics est énorme, et toujours adaptée au thème: il n'y a qu'à écouter le refrain de "Souvenirs" ou "A ton enterrement" pour n'en plus douter. Ce dernier, sous forme de requiem, dévellope la suspisçion à l'égard des autres afin de reconnaître les vrais avant d'avoir à reconnaître "les gens contents à ton enterrement", en bref, ceux qui te suivent pour ce que tu es et ceux qui te suivent pour ceux que tu as ou encore ceux qui crachent dans ton dos... "A ton enterrement / y avait des colombes et des vautours / où étaient les corbeaux? / qu'à-tu pensé du discours?"
Le titre "Ghettos du monde", lui, prend complètement à contre-courrant la réputation du therme "ghetto": pour exemple, "Quelle ambiance chaleureuse dans les taudis! / Du haut d'ici / on a la plus belle vue de la ville", faisant ainsi l'apogé de la vie de rue avec un brin de cynisme et d'ironie, mais en le mixant avec les vérités. C'est aussi une grande force d'Oxmo Puccino de réunir en un seul morceau tous les points de vue possibles pour n'en forger qu'un seul...
Une seule fiction avec "Boule de neige 2001" ou le suivit de 2 voleurs de voitures dont les actes font boule de neige (tiens justement...) avant qu'ils n'aient à en payer les conséquences avec un ex-proprio de Clio blanche, volée, qui les retrouve quelques mois plus tard...
"Souvenirs" est un morceau positif, et accessoirement un des plus sublimes du skeud, et qui a pour simple et inteligent message "ne regrettez pas / d'avoir été amis / de s'être aimés un peu / d'avoir connu l'unité / même si c'est fini / c'qui tient debout c'est tous ces souvenirs..." Le rappeur se révèle être plein de chaleur et plutôt pédaguoge, prenant presque toujours parti, mais le parti du médiateur, celui qui veut calmer le jeu en ne s'engageant qu'à travers métaphores et symboles qui amènent, comme je l'ai déjà dit, souvent à réfléchir sur sa condition.
Au niveaux des featurings, on retrouve tout d'abord Dany Dan sur la génial "A ton enterrement", Keity Slake sur "Fais-le pour moi" (seul morceau de l'album tourner sur Sky et, croyez-moi, il ne représente pas du tout l'album, même s'il n'est pas mauvais, il est très loin du reste au niveau intérêt global), le célèbre Bauza sur "Premier suicide", Diesel et dad PPDA de KDD sur "balance la sauce" (un des rarissimes morceaux où ça s'énerve un peu dans cet océan de calme et de plaisir qu'est "L'amour est mort", Intouchable pour une excellente prestation sur "Les raisons du crime" et enfin, signant le plus mauvais couplet et le seul refrain tout naze de l'album, gâchant par la même occasion presque tout le morceau "antidiplomate" (et étant la seule erreur dans le grand chelem vers la perfection qu'est l'album), un certain S-Kiv dont on se serait fort bien passé... Car il représente le seul point noir du skeud, avec une prestation à la voix philtrée comme s'il rappait par téléphone et un refrain absolument inutile ("cette fille m'a pas pipé / je l'ai quitté / et si t'aimes pas l'refrain t'as qu'à pas l'répéter": pitoyable, non?)
L'ambiance générale est calme, appaisante, particulièrement reposante, presque vivifiante, mis à part quelques passages un peu plus speed tels que "Quand j'arrive", "Demain peut-être" ou encore "Balance la sauce". La (courte) piste cachée, "Impasse désillusion" est du même calibre que tout le reste, à savoir, irréprochable. Le seul et unique reproche que l'ont pourrait faire (mis à part l'invitation indésirable de ce S-Kiv) est la courtesse de certains titres, qui ne comportent que 2 couplets, mais c'est à ce prix que l'on paye 22 titres... Les interludes musicales sont terribles, elles aussi. Et le fil rouge du skeud, des mecs qui racontent comment des flics les ont arrêtés en voiture de location, donnent un petit intérêt accrocheur non négligeable.
En fait, on sent du début à la fin qu'un énorme travail, autant au niveau des instrus que des paroles, et un titanesque effort de réflexion a été fait pour cet album, qui en ressort non pas seulement comme un grand moment du rap français, mais réellement comme l'album de l'année, si ce n'est des 6 dernières années, depuis l' "Homicide Volontaire" d'Assassin, en fait, même si le style est radicalement différent, c'est bien d'albums Mythiques que je vous parle, et on en avait pas eu depuis...
Je finirais cette chronique exceptionellement longue pour conclure que "L'amour est mort" est un des meilleurs album rap français jamais sortis, et est largement premier dans le registre poétique et mélodique... et qu'il serait criminel de le rater: achetez-le, gravez-le ou volez-le, mais quoi que vous fassiez, si vous aimez le rap français, ECOUTEZ CET ALBUM!!!




OXMO PUCCINO
LP / sorti en 2001

Chronique de Jeck
note : 18/20

01 - Je vous l'ai dit
02 - Quand j'arrive...
03 - Demain peut-être
04 - La valse de Jéricho
05 - La tango des belles dames
06 - J'ai mal au mic
07 - Boule de neige 2001
08 - Le laid
09 - Décembre 19.97 + 1
10 - Ghettos du monde
11 - Nuit de stress
12 - S'13-6.35
13 - Premier suicide (feat. Le célèbre Bauza)
14 - Fais-le pour moi (feat. Keity Slake)
15 - A ton enterrement (feat. Dany Dan)
16 - Souvenirs
17 - Mine de cristal
18 - Balance la sauce (feat. Diesel & Dad PPDA (KDD))
19 - Guerilla
20 - Antidiplomate (feat. S-Kiv)
21 - Les raisons du crime (feat. Intouchable)
22 - L'amour est mort
+ ghost track: Impasse désillusion

Du même artiste :
Cactus de Sibérie
Opéra Puccino

Interviews :
OXMO PUCCINO (02/06/2007)

Reviews :
Triptik + Oxmo Puccino à Bordeaux (33)

Radio :
Interview d'Oxmo Puccino :)

Podcasts :
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Dimanche 23 Décembre 2012
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