1998, Oxmo Puccino nous livre son premier opus intitulé Opéra Puccino. Et si ce titre convient particulièrement bien à ce disque, c'est que la programmation de cet « opéra » est bel et bien très variée : on passe de morceaux franchement tristes à d'autres beaucoup plus gais, parfois drôles, et ce tout au long de l'album.
Ce développement donne pas mal de couleur au disque qui pourtant, quelques morceaux mis à part, garde une expression globale assez sombre. Et ça se sent dès la première piste où Oxmo donne d'une façon bien pessimiste, pire : désabusée, ses « Visions de Vie » : « l'amour un sentiment sorti des égouts, dans ma vie les filles changeaient d'nom mais avaient toutes le même goût » ; « j'vois l'avenir comme un type myope qui la nuit porte des Raybans surpassées d'un masque de Zorro ».
Mais que ce soit de la solitude dans l'Enfant Seul, de la peur de mourir dans Mourir 1000 fois ou encore des déceptions amoureuses dans Le Jour où Tu Partiras, Oxmo réussit toujours a orchestré ses morceaux de façons vraiment convaincantes. Il a quelque chose en plus que beaucoup de rappeurs n'ont pas : la capacité à traiter de thèmes banals mais d'une façon bien personnelle, (certains diront poétiques), avec un maniement des mots vraiment remarquable portés par un flow exceptionnel.
C'est le point fort de cet album : les mots s'y emboîtent parfaitement même si Oxmo y garde une attitude très terre-à-terre (« mes mots s'emboîtent les gens s'y voient comme dans une flaque d'eau ; ça leur renvoit un triste reflet mais est-ce ma faute ? »). Quelques exemples pour le plaisir : « J'ai l'pouvoir des mots pour voir ta meuf nue dans mon lit ou te faire rire de ta propre mort » ; « ...puisqu'il faut qu'il n'en reste qu'un pour qu'une race soit en paix » ; « c'qui est à craindre c'est qu'à force que tes proches taillent à la morgue tu finisses par être plus mort qu'eux, puisqu'à chaque fois qu'on perd quelqu'un de cher, on meurt aussi un peu ».
On a parlé d'une variété des morceaux. A y regarder de près, on préfèrera bien vite les morceaux plutôt sombres aux instrus souvent plus intéressantes que d'autres plus délirants certes mais assez vite lassants (Alias Jon Smoke ou Sacré Samedi Soir).
Du côté des featurings, du bon comme du mauvais. Le bon c'est surtout Lino sur La Loi du Point Final (où son style colle très bien avec celui d'Oxmo), Pit Baccardi, Akhenaton et Freeman (ce dernier apparaissant sur deux morceaux) un peu en dessous mais d'un bon niveau tout de même. Et la palme du mauvais goût est attribuée à K-Reen, (sur deux morceaux qui plus est) pour des refrains carrément dérangeants voire inaudibles. Dommage.
Donc, des 18 morceaux originaux on enlève trois interludes (assez sympas, elles donnent un peu de rythme au défilement des plages du disque), deux morceaux en featuring avec K-Reen qu'on oubliera le plus vite possible, et il nous reste 13 pistes qui valent vraiment le coup d'être écoutées et une demi douzaine qu'on ne se lassera pas de réécouter des dizaines de fois.
Oxmo Puccino signe là un album prometteur à côté duquel il serait dommage de passer. Car ça ne ressemble à rien d'autre, non, « c'est du Oxmo ».