NTM
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         Après la merveille "Paris sous les bombes", il était un pari difficile pour Joeystarr et Kool Shen de revenir avec un nouveau disque: relévé, ce pari n'est finalement que partiellement réussi...
En effet, ce 4ème album éponyme est globalement plus que très bon: seulement, on regrette amèrement une vibe nettement moins virulente; ça n'est plus vraiment le même son NTM qu'auparavant. Plusieurs causes à accuser, et parmis elles, cette terrible tendance qu'à connu le rap à partir de 1997-98 à ralentir les BPM et adopter des mélodies plus faciles d'écoute que les bons vieux beats tapageurs d'antant: le rap passe maintenant en radio, il faut le populariser... Loin d'avoir à la lettre suivie cette politique "Skyrockiste", NTM a cependant quelque peu suivit le mouvement en calmant considérablement le jeu: en effet, on ne s'attendait pas, quelques années seulement auparavant, à des titres comme "Laisse pas traîner ton fils" ou, sur une basse grasse et un violon larmoyant de Sully B Wax, les 2 MC's s'apitoient tristement sur le sort d'une jeunesse étriquée par le système comme par de trop négligeants parents. Le thème est juste, bien traité, savamment rappé, mais l'esprit NTM semble s'évaporer au profit d'une vibe plus grand public. Choix consçient ou non? Certains accusent NTM d'avoir baissé son froc pour plaire au plus grand nombre tandis que les autres s'évertuent à préférer une évolution avec l'époque. Sans vraiment pourvoir déterminer qui a raison et qui a tort, on en profitera simplement pour remarquer qu'NTM fut un des premiers représentants du Hip Hop en France et que ses évolutions marquent en quelque sorte l'évolution du rap lui-même, sans vraiment savoir lequel des deux provoque le changement...
Sur ce LP, alors que le flow de Joeystarr semble moins maîtrisé que sur "Paris sous les bombes", celui de Kool Shen, en revanche, n'a jamais été si bien articulé et, même s'il est moins agressif qu'auparavant, il est indiscutable qu'un pas vocal a été franchit: son flow s'étaitrarement démontré aussi excellent qu'ici, ce qui nous amène au second "point faible" de cet album: tout est trop léché.
En effet, la spontanéité et le bordélisme ambiant qui avait jusque-là fait tout le charme du groupe cède ici sa place à des flows plus techniques et des mélodies beaucoup plus carrées. Kool Shen a beau dire dans "That's my People": "J'aime quand ça fait paw! / quand ça vient d'en bas / et puis quand c'est pas / peaufiné, léché / trop sophistiqué c'est pêché", la manière dont le tout s'est assagit et a, justement, été peaufiné, est saisissante: où sont passés les rappeurs sans retenues qui avaient posé "Plus jamais ça" ou "Police?" "Seine Saint-Denis Style", qui se propose ni plus ni moins de représenter le 93, fait pâle figure avec son piano entre-découpé et son refrain aux accents ricains face aux mythes "C'est Clair" ou "Qu'est-ce qu'on attends". NTM nous avait jusque-là habitué à 75% de virulence et 25% de calme, force est de constater que le pourcentage s'est inversé...
Mais accuser le simple changement relèverait du manque d'ouverture: penchons-nous plutôt sur la qualité brute, sans se référer aux précédents albums. Ce disque est un grand disque, c'est au moins un point de sûr; même si les thèmes ne brillent pas par leur originalité (NTM a toujours développé plus ou moins les mêmes sujets), on ne peut nier la qualité de la majorité des lyrics ni l'excellence des flows des rappeurs. Succédant à DJ S, DJ Clyde et autres Lucien, se sont maintenant Sully B Wax (producteur de NAP, Wallen...), Sully Seffil, Zoxeakopat (producteur des Sages Poètes de la Rue), Willie Gunz, Madzim, Joeystarr et DJ SPank ou encore LG. Exp (le seul producteur survivant de Paris sous les Bombes) qui ont pour charge les parties instrumentales de l'album: on remarque que BOSS (avec DJ Spank et Joeystarr) et IV my People (avec Madzim) commencent à opérer, et quand aux featurings, aux nombre de 4, ils ont tous sauf un par la suite signé chez un de ces labels: Jaeyez (Afro Jazz) qur le titre "C'est arrivé près d'chez toi", et MASS et Busta Flex sur "Hardcore sur le Beat", qui clôture l'album comme il a commencé, à savoir, sur un des rares morceaux réellements virulents du tout. Quand à Lord Kossity, il pose sur le populaire "Ma Benz", thème à meufs dance-hall très efficace qu'on ne présente plus...
Mais le calme n'est pas forcément péjoratif, bien au contraire: pour preuve, d'excellents moments tels que "Laisse pas traîner ton fils" ou "On est encore là part II", terriblements agréables à entendre et aux paroles sensées; "On est encore là" bénéficie par ailleurs de deux versions différentes, l'une calme et posée, l'autre énervé et virulente, tout en exploitant exactement les mêmes lyrics, preuve en est que certaines paroles peuvent dégager deux états d'esprits radicalements différents. Un autre excellent passage du skeud est sans conteste "Respire" (dont Madzim assure l'instru) ou Joeystarr et Kool Shen développent dans un morceau très détendu leur amour pour leur musique avec un refrain simple mais juste: "Respire / et si ça t'suffit pas / re-respire!", ou encore "Pose ton gun" ou Joeystarr se livre à un ragga animal avec sa voix plus défoncée que jamais, dans un cri de détresse face à la violence juvénile et à l'armement des cités...
Pour la première fois, les 2 MC's ont chacun droit à un seul et unique solo; ainsi, Kool Shen se livre à une balade au Hip Hop, sorte de suite logique à "Tout n'est pas si facile" sur une magnifique prod' piano de Sully Seffil (tant qu'il ne fait que produire des instrus, on n'a aucune raison de lui en vouloir), reflétant encore une fois un état d'esprit plus calme. Joeystarr, quand à lui, ne perd pas grand-chose de sa virulence surson très bon "Je vise juste", titre bordélique à souhaits (enfin!) ou il accuse directement les wacks dans un morceau chambreur et bien à lui...
Sans non plus passer en revue tous les morceaux de ce 4ème LP, on pourra donc conclure qu'il reste un album tout ce qu'il y a de meilleur, mais malheureusement plusieurs niveaux en-dessous du précédent, sans compter de l'assagissement radical. Même si certains titres sont, c'est vrai, énervés, la virulence paraît maintenant beaucoup moins spontanée.
Pour résumer, on peut dire que si NTM avait sorti son premier album en 1998 et qu'il avait été celui-là, la performance impressionnante aurait été à applaudir. Mais pour un groupe qui a contribué à la naissance du rap en france, il reste quelque peu décevant...
Bref, bon, mais "plus très NTM".




NTM
LP / sorti en 1998

Chronique de Jeck
note : 14.5/20

01 - Intro
02 - Back dans les bacs
03 - Laisse pas traîner ton fils
04 - That's my People
05 - Seine Saint-Denis Style
06 - Interlude
07 - Ma Benz (feat. Lord Kossity)
08 - C'est arrivé près d'chez toi (feat. Jaeyez)
09 - On est encore là (part I)
10 - Odeurs de souffre
11 - Je vise juste
12 - Pose ton gun
13 - Respire
14 - On est encore là (part II)
15 - Hardcore sur le beat (feat. Busta Flex & MASS)
16 - Outro

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Radio :
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Dimanche 23 Décembre 2012
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